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bleu — blanc — rouge

La jeune femme accourut plus pâle encore, et prit la fillette dans ses bras.

— Maman ! j’ai mal là.

Et la petite montrait sa maigre poitrine.

— C’est encore la grosse araignée qui me gratte partout et m’étouffe.

En même temps, une petite toux sèche déchirait sa gorge, des sueurs perlaient sur son front, ses cheveux se plaquaient sur ses tempes, une écume rose frangeait le coin des lèvres. La crise montait, montait toujours, secouant son corps grêle comme un roseau battu par la tourmente, gonflait les veines de son cou et tuméfiait ses yeux. Des sanglots gémissaient dans son râle, qui allait maintenant s’affaiblissant. La mère serrait dans ses bras la pauvre fillette. Oh ! bien fort, comme pour faire entrer en elle le mal dont souffrait son enfant ; elle chantait même tout bas, par un reste d’habitude, ainsi qu’elle le faisait autrefois pour l’endormir, mais que cette berceuse faisait mal à entendre !…

Et le ciel s’irradiait en turquoise ; le fleuve bleu brillait comme une opale dans l’or d’une bague, une brise chaude courait sur l’onde comme pour la chatouiller. Tout chantait l’hymne à la vie triomphale, et, furieuse, moi, je montrai le poing à l’astre orgueilleux :

« Menteur, vantard, tu poses au dieu ! Jadis on te bâtissait des temples où les filles de Syrie venaient danser. Toi, vers qui montait l’adoration antique, tu éclaires la terre, tu fais mûrir les moissons et tu ne peux sauver cette pauvre petite qui se débat contre un ennemi plus fort en sa faiblesse que ta puissance insolente. Mais réchauffe donc les membres bleuis de cette enfant, mais fais donc couler une sève neuve en son cœur. Ou, si tu ne peux opérer ce miracle, cède la place à un plus fort, plus grand, plus puissant que toi. »