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bleu — blanc — rouge

Le garçonnet est resté pensif devant le polichinelle qu’on a glissé dans son bas au premier de l’an. Il s’est tôt fatigué des grimaces du bouffon, il voudrait savoir quel génie mystérieux, au bout de la ficelle, agrandit la bouche, dilate les yeux, tord les membres de l’énigmatique pantin. Il le tourne et le retourne en tous sens, curieux de savoir le secret de cette âme fictive, qui l’intrigue autant que le tic-tac de l’horloge. « C’est dans la tête, se dit-il, que ça marche… » Tremblant, il serre un peu le crâne du polichinelle, plus fort, encore plus fort. Crac ! la tête éclate et s’effrite sur le sol, livrant son secret : un peu de moulure de scie !

Voilà un chercheur en herbe qui n’en est pas à ses dernières désillusions, s’il s’avise de vouloir analyser ce qu’il y a dans l’âme de ces jolies poupées vêtues de tulle qui l’inscriront plus tard sur leur carnet de bal.

Voyez cette pâle enfant si frêle, si jolie, elle s’éloigne des jeux bruyants, ses yeux où les paupières descendent comme des feuilles de rose, lorsqu’ils s’ouvrent, laissent apercevoir un coin de ciel bleu. Son teint pétri, il semble de la chair des lis, est d’une transparence laiteuse que la plus légère émotion nuance de rose ; on dirait un ange exilé : le rayon céleste qui nimbe ce front limpide accuse sa divine origine.

Assise auprès d’une grande table, lentement elle retourne les pages d’un livre de gravures sans les froisser, avec ce ouaté au bout des doigts qu’ont les sœurs sacristines lorsqu’elles manipulent les objets du culte. Sa démarche recueillie ne déplace pas le silence qui l’enveloppe comme d’un voile. Si la fillette consent à jouer, ce ne sera pas comme ses jeunes compagnes, pour étaler de longues jupes tapageuses, avec des airs de précoce coquette. Non, elle jouera à la sœur : un mouchoir en guise de cornette, un autre pour la guimpe, et un cha-