Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Qu’on me fournisse des chiens, de la poudre, un fusil double et un bon cheval ! qu’on me place derrière une barricade ; qu’on m’amène des malades, qu’on me donne une tribune, un journal… Mais au nom du ciel, de l’action ! Végéter à vingt-huit ans dans l’isolement et la mélancolie : ah ! mille fois plutôt fouiller la terre !

Mais où trouver un terrain à remuer, aujourd’hui que la propriété s’est entourée de murailles ? Où trouver des malades à soigner, aujourd’hui que l’art de guérir est devenu un monopole ? Où chercher des insurrections et des guerres d’indépendance, un drapeau pour linceul, aujourd’hui que l’Europe s’agenouille sous le sabre des rois ?

Ah ! malheur, malheur sur l’exilé !

Est-ce donc à dire que les hommes puissent dépouiller un de leurs semblables de son droit de vivre ? Est-ce à dire qu’ils puissent lui arracher la langue, les poumons et le cœur ; déchirer ses organes avec leurs ongles, les triturer sous leurs pieds, et lui en rejeter à la face les lambeaux sanglants ? Leur est-il permis de traquer cet homme comme une bête fauve, de le lier, de l’emprisonner et de l’expédier comme un ballot de marchandises ? Leur est-il permis de l’exposer sur le grand chemin, à la pluie, au froid, à la rage de la tempête ? Ont-ils droit sur sa vie, qu’ils ne lui ont pas donnée, et même sur son cadavre, auquel ils refusent six pieds de terre ?… Il importe que le droit d’asile soit consacré comme la conséquence pre-