Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/168

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ches malédictions ; proscrites, comme nous, de toute famille et de tout bien-être ; comme nous, boucs émissaires de la civilisation, les prostituées ont droit à nos sympathies ; la société nous a fait leurs chevaliers, et nous réclamerons en leur nom, jusqu’à ce qu’elles puissent, comme les autres femmes, devenir amantes et mères. Mais quoi ! ce n’est pas non plus notre faute, si nous ne pouvons nous habituer à cette horrible idée que certaines femmes trouvent dans l’amour les mêmes douleurs que dans la mendicité ; que ces femmes-là sont des marchandises qu’on achète, des bêtes qu’on essaie ; à qui l’on fait ouvrir les lèvres pour voir leurs dents, dont on écarte les paupières pour examiner leurs yeux, dont on tâte la gorge, les jambes et la croupe, afin de savoir si elles pourront bien vous porter. Ce n’est pas notre faute, si nous ne pouvons rire avec la femme qui pleure, et 79 fatiguer de notre priapisme la malheureuse qui se meurt de dégoût.

Pour l’exilé plus de gloire, car il faut à la gloire un nom qu’elle puisse répéter. Plus de travail, car il faut un nom à l’ouvrier pour qu’on lui confie des instruments. Il en est tant qui ne les obtiennent pas, même avec leurs noms !

Pour l’exilé, plus de but à une activité qui déborde ; plus d’intérêt dans la vie ; plus de jeunes hommes à étreindre ; plus de jeunes filles à qui sourire. Car les jeunes hommes et les jeunes filles le fuiront, et le vent seul lui apportera leurs refrains joyeux. Car le panorama social passera de-