Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/180

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qui te ravit à sa tendresse. Et puis sa fierté sera terrassée par la douleur. Quelque jour, elle deviendra suppliante, et te proposera d’acheter, au prix de l’humiliation, le bonheur de te revoir.

… Et je me séparai de ma mère.

— Fils de la patrie ! que laisses-tu derrière toi ?

Je laisse la France qui s’affaisse sous le fardeau de sa gloire éteinte. Elle épuise le peu de force qui lui reste dans l’anarchie, la concurrence et la corruption. Elle a rejeté sa brillante couronne, elle s’est agenouillée devant le veau d’or, comme les Hébreux au désert ; elle a fléchi le cou sous un empereur tiré de la fange, ainsi que Rome, à l’heure de sa décadence. Voici les hordes du Nord qui labourent ses flancs mutilés. Hélas ! hélas ! L’humanité ne peut-elle se régénérer que par la mort des grandes nations ?

Fils de la France ! poursuis ton chemin. L’humanité est plus grande que la plus grande des nations. Que ton âme s’élève ! Désormais, tu auras les peuples pour frères et la terre pour séjour ; tu changeras de climats et de cieux, comme les oiseaux voyageurs.

… Et je me séparai de la France.




Maintenant, génie de la Révolution, pitié ! À ta voix j’ai tout quitté, patrie, famille et mère, doux songes que je ne reverrai plus. 87 Cependant toutes ces choses sont chères à l’homme ; et ces séparations font saigner mon cœur comme un membre