Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jours les mêmes idées au milieu de l’univers sans cesse en mouvement.

Ce jour-là, je voyais, du haut de la Dôle, flamboyer sur les collines des drapeaux rouges qui portaient ces mots : Grandson, Morat, Sempach, Morgarten et Fribourg. Je voyais la grande ombre du Libérateur marcher d’un pas assuré sur les pics de glace. Derrière les hauts rochers, il me semblait distinguer les guerriers de Nœfels, prêts à les rouler sur de nouveaux oppresseurs. Au loin, j’entendais la trompe du pâtre qui rassemblait les troupeaux, et je lui prêtais les belliqueux accents de la trompe d’Altorf appelant au combat les fils de l’Helvétie.

Alors je m’écriais : Suisse ! refuge de la liberté, je t’aime comme l’arabe altéré l’oasis des déserts ; je t’implore, comme le marin en danger implore Notre-Dame-de-Bon-Secours. Tu es ma vraie patrie.

103 Salut ! ton front est ceint de la radieuse couronne de vingt-deux cantons souverains. Tu tiens à la main la hampe de ton drapeau rouge, dans les plis duquel, blanche et pure, se dessine la croix fédérale. À tes pieds sont des chaînes et des casques brisés.

Salut ! grands lacs, coupes de granit toujours pleines, qui naissez dans les entrailles de la terre et mourez dans les abîmes de l’Océan. Salut ! collines où les plus beaux des troupeaux errent en liberté. Salut ! sapins qui, vivants ou morts, résistez à la fureur des vents.