Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/276

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lons les bruns moissonneurs. Les matinées sont fraîches, et la brise des soirs a grandi sous les ailes des nuits plus longues. Déjà, les feuilles rougissent et les grappes pesantes courbent les sarments vers la terre. Déjà, l’automne court par les sentiers des forêts et les ruisseaux font plus de bruit sur les sables. Encore quelques jours, et l’orbe du soleil séjournera plus longtemps dans l’Océan, le feu de midi s’éteindra, et la seconde verdure renaîtra dans les prairies.


Je voyagerai. — L’exil m’a rendu maître de moi ; il a rompu les liens qui me rattachaient aux législations civilisées. Par tout pays je suis étranger, je puis me soustraire à la violence des gouvernements, à la lâche cruauté des gens de justice, à la langue des prêtres, à la morgue des grands et à la haine des petits. Acharnés dans leurs luttes mercantiles, que les hommes me délaissent, comme les vagues de la mer oublient le galet des grèves qu’elles ont si longtemps roulé. Je ne leur demande que cette faveur. Il est avantageux d’être hors la loi de ces temps.


Je voyagerai. — Mon temps est à moi, et j’en sais la valeur. Le travail m’attire, et je n’ai pas encore besoin du salaire qui rend esclave. Je me sens irrésistiblement entraîné vers l’insoumission, les solitudes de la nature et les grands monts ravinés par les déluges ; j’aspire à la liberté. Je meurs dans l’enceinte des villes où je suis obligé de ré-