Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/278

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Je voyagerai. — Déjà tout se prépare pour l’universelle circulation. Noire messagère, la Vapeur, en passant sur les villes, s’imprègne de leur atmosphère intellectuelle et la porte de l’une à l’autre. Comme des artères gonflés, les voies de fer ont pénétré jusqu’aux extrémités du corps social ; elles s’abouchent et s’embranchent, répandant partout la santé et l’abondance. L’Océan dompté secoue sur sa crinière les vaisseaux des nations, et leurs pavillons se saluent. Les langages changent et se renouvellent ; le vieux dictionnaire est usé ; chaque invention n’a plus qu’un nom partout. Les mœurs se transforment ; le préjugé courbe la tête. La houille flambe avec le bois, le fer se heurte à l’or, les riches étoffes procurent les beaux fruits, le vin se mêle au vin, le sang se mêle au sang. Les filles du Nord tendent leurs blanches mains aux enfants brûlés du Midi ; l’âme de chaque nation est un livre ouvert à toutes les autres. Peuples ! n’y regardez pas d’aussi près pour les conditions de l’échange ; elles deviendront justes. Nous sommes fils d’un même père, et dans les veines de chacun de nous, il ne 152 coule pas une goutte de sang qui ne soit formée par les transports d’amour de toutes les races humaines. Partout où elle est cultivée, la terre est fertile ; partout où l’homme n’est pas corrompu, ses reins sont forts ; partout où l’ongle de la débauche n’a pas déchiré ses mamelles, la femme nourrit des enfants robustes. L’industrie nous fournit les ailes que la nature a données aux oiseaux de passage et les