Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/283

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marche et les changements des saisons. Je n’ai pas d’habitudes, ma personne est sans attaches. Aujourd’hui toute entreprise me semble facile. L’Europe m’apparaît comme une torche encore fumante que la moindre étincelle suffirait pour rallumer. Ma main s’étend sans hésiter pour tout saisir ; l’action rapide accompagnerait la pensée. Avant que l’étude froide vienne éteindre cette première ardeur, que ne puis-je visiter les peuples encore frémissants ?


Je voyagerais. — J’agirais dans la mesure de mes forces, et la passion les centuplerait. J’irais à Zofingen quand les étudiants suisses s’y rassemblent dans les jours d’été, et ma voix serait entendue, lorsque je leur parlerais de la solidarité des peuples et du 155 droit d’asile. Je descendrais le cours du Rhin ; les universités hospitalières d’Allemagne m’accueilleraient bien quand je leur dirais que le temps est venu de parler la même langue et d’élever des temples à la science et à la liberté de tous. À Vienne, je trouverais des débris de la légion académique, et ma main presserait des mains connues. À Cambridge, à Oxford, il y a des jeunes hommes avec lesquels j’évoquerais la mémoire du pèlerin de Missolonghi. Dans les sombres académies du nord, à Leyde, à Copenhague, à Upsal, je m’entretiendrais avec des esprits graves, préoccupés des questions de libre échange et d’indépendance individuelle. À Coïmbre, à Madrid, à Bologne, à Milan, je m’animerais au