Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/288

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Mais voici la vapeur qui court sur les eaux du Léman ; déjà la mine a fait sauter la Dent du Midi ; déjà l’anglais pose sur la terre suisse le sceau de ses rails, déjà le Vaudois, payant au génie le seul culte qu’il comprenne, élève un hôtel qui porte le nom de Byron. Le génie de la nature est poursuivi, bloqué, affamé, haletant dans sa forteresse du Valais.

Que les disciples de Jean Jacques, de Robespierre et de Lareveillère-Lepaux aillent s’enterrer sous ses décombres ! Et que la vapeur gronde ; que la poudre éclate ; que les rails fléchissent sous le poids ; qu’il y ait des hommes écrasés et des membres dispersés par les airs. Les compagnies seront condamnées à leur construire une chapelle expiatoire qui puisse durer cinquante ans. Mais rangez-vous, vous tous qui craignez que le progrès vous écrase !


Le Bas-Valais ! d’immenses rochers ouvrant à peine leurs entrailles pour laisser végéter une langue de terre, un filet d’eau, de l’air comprimé, des cascades furieuses, des fleurs sans parfum, des fruits sans sucs, des animaux chétifs et des hommes à peine ébauchés !

Ainsi la terre était au commencement. Ainsi le monde est sorti du sein de la pierre comme une étincelle de feu. D’où vint le choc ?… Qui le sait ?… — Et puis le filet d’eau est devenu grand fleuve ; la terre marécageuse a été desséchée, elle s’est couverte de moissons, et de pampres, et de forts