Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/314

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unis. Fume, Waldstætten, comme un étudiant de Heidelberg qui rêve gloire, quand la bière lui monte au cerveau : ta noire fumée fait rire l’éclatant soleil !

Le ciel a revêtu sa robe d’azur ; de glorieux souvenirs flottent dans l’air diaphane ; d’un pied rapide, la Liberté court sur les Alpes. Comment la terre ne serait-elle pas joyeuse ? Comment un être jeune se déroberait-il à de pareilles impressions ?… Mon cœur s’épanouit, et je m’abats sur le pont du bateau, semblable à 176 l’oiseau des rivages qui plonge avec délices dans son élément favori.

Car j’aime l’eau, l’universel élément ; j’aime les fleuves voluptueux qui dorment au milieu des prairies, les lacs qui les laissent découler de leurs urnes, les grandes mers qui les recueillent dans leur sein, et les navires qui nous portent avec leurs ailes blanches. L’eau purifie nos corps et délivre nos âmes : l’eau, c’est la liberté !

Et puis, les lacs de Suisse sont plus clairs que les grottes glacées ; leurs eaux sont bleues et vertes comme le beau ciel d’Irlande, pendant les nuits d’été ; on voit dans le fond les truites dormir et les montagnes environnantes confondre leurs cimes avec les rochers sous-marins. Les capitales et leurs petits habitants sont bien loin, perdus dans la fumée. Les grands cataclysmes de la nature nous laissent insensibles aux intérêts de notre pauvre monde. Notre âme est si haut, et le ciel si près des aiguilles de glace !

… La cloche a tinté sur le pont. Les Anglais