Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/338

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steppes inconnues. Vous avez besoin d’instruction, et les Peuples du Couchant ont besoin de vigueur. Allez ! brisez les barrières qui séparent les hommes, confondez les races et les classes ; mêlez le sang aux nerfs, et le fer à l’or. C’est du choc des opinions que jaillissent les lumières, et c’est du choc des peuples que jaillissent les générations. Allez ! vous êtes les fils aînés de l’humanité ; gagnez le monde en Socialisme.

Dociles à cette voix, ils sont partis. Ils traînent après eux leurs familles, leurs tentes et d’innombrables troupeaux. Longtemps ils ont campé sur les rivages de la verte Baltique et sur les bords de l’Elbe impétueux. Ensuite, ils ont traversé les plaines fertiles de l’Allemagne, rasant les villes, incendiant les forêts et les moissons, chassant devant eux, par le fer et la flamme, les armées prussiennes aux casques brillants. Par tous les défilés à la fois, par les 192 hautes Alpes Rhétiennes, par les gorges herbeuses du Jura, par les fleuves dont ils remontent le cours, à travers les rochers qu’ils font sauter, ils ont pénétré jusqu’au cœur de la Suisse, et l’emprisonnent dans une ceinture ardente.

Les voici, les voici ! Suivant les coutumes de leurs pères, ils s’avancent par détachements épars. Les campagnes en sont couvertes, depuis les blancs glaciers jusqu’aux lacs de cristal. Leurs chevaux trouvent de l’herbe sous la neige, et leurs enfants se roulent avec délices dans les glaces de l’Helvétie.

Écoutez, écoutez ! La guerre retentit sur toutes les Alpes.