Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/405

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paradis sur terre et les avenues du parquet regorgeraient de candidats. Mais les juges n’échappent pas plus aux vengeances qu’ils attisent que les médecins aux contagions qu’ils bravent. Tout passe sur la terre. La génération présente vous vénère ; qui sait le sort que vous réserve celle de demain ? Que deviendrez-vous dans l’humanité future ?

Non pas pour nous, mais pour vous, juges, aidez-nous à faire tomber l’arbre d’exécution !

235 Ne savez-vous pas que la foudre joue avec l’herbe des champs, mais qu’elle brise les grands arbres ? Dans les jours de révolte, ce ne sont pas les têtes des petits qui sont en danger de mort, mais les vôtres qui sont couvertes de toques rouges et qui attirent la rage des partis. Vous avez insulté, déshonoré, sali ; vous serez insultés, déshonorés, salis à votre tour : vous avez poussé des cris de mort contre les autres ; on poussera des cris de mort contre vous. Quel code vous protégera quand il n’y aura plus de codes ? Les enfants vous couvriront de boue et vous crieront : juges, faites respecter la sainteté de la magistrature. Les hommes du peuple jetteront bas votre chapeau et diront : juges, nous voulons vénérer vos cheveux blancs. Les femmes tremperont des chemises dans le sang, on vous les jettera sur le dos, on vous conduira en Grève, et l’on vous criera : juges, vous qui êtes savants, minutez votre sentence.

Non pas pour nous, mais pour vous, juges, aidez-nous à faire tomber l’arbre d’exécution !