Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voulaient bien m’honorer de leur confiance. Depuis que la docte race d’Hippocrate extrait le sang des veines et injecte l’eau dans les entrailles, il n’a certainement point paru de médecin comme moi.

Je ne faisais point faire antichambre à mes clients ; j’allais au-devant d’eux, et je les conduisais poliment jusqu’à la porte de mon cabinet ; je recevais à toute heure et dans tout costume ; je m’excusais quand j’étais en retard ; je traitais mes malades en amis. Jamais je ne pus me résigner à leur demander de l’argent ; il m’arrivait même habituellement, quand j’en avais grand besoin et qu’ils m’en offraient, de leur répondre que je n’étais pas pressé. Je voudrais qu’un amateur de ces sortes de curiosités pût voir à quels efforts inouïs je soumettais mon imagination pour inscrire sur mon registre, au moyen d’un signe particulier de leur physionomie ou de leur caractère, des personnes dont il m’aurait été facile de demander le nom et l’adresse ; — mais je ne l’osai jamais.

Bref, jamais le saint sacerdoce de la lancette et du spéculum ne tomba dans des mains aussi indignes ; jamais personne n’exerça aussi gauchement le grand art de guérir. Je suis si primitivement inapte au gain, que j’ai toujours l’air d’être l’obligé des gens auxquels je rends service, et que je les remercierais volontiers de me fournir l’occasion de leur être agréable. Je m’excuserais encore si je ne connaissais pas l’égoïsme des hommes, si je