Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/459

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« En 1839 encore, ce furent des étudiants, le grand Barbès, Martin Bernard, un des typographes les plus intelligents de Paris, et Blanqui, le prisonnier d’État, qui conduisirent à travers Paris cette poignée de conjurés qui le fit trembler pendant vingt-quatre heures. Barbès fut condamné à mort, et déjà la sentence allait être exécutée, lorsque les étudiants descendirent et l’arrachèrent au bourreau. Ce fut le dernier acte collectif de la démocratie des Écoles.

« Police au regard louche, Corruption puante, vous réussîtes dans la tâche abandonnée par la Force. Comment les étudiants seraient-ils restés généreux au milieu d’une société mercantile ? Comment, engendrés par des pères bourgeois et nourris par des mères bourgeoises, n’auraient-ils pas été gangrenés dès leur naissance ? Comment auraient-ils résisté toujours aux agents de séduction qui les tentaient dans l’ombre ? Depuis longtemps la police semait ses limiers dans leurs rangs ; chaque jour elle marchandait beaucoup de consciences, chaque semaine elle en achetait quelques-unes, évitant le scandale, rampant en silence. L’infâme travail portait ses fruits ; le secret des réunions était trahi, la solennité des procès souillée par des défections éhontées ; les moins énergiques se retiraient de la lice. Les générations qui arrivaient des provinces se montraient d’année en année plus indifférentes.

« On voyait les étudiants défiler par longues bandes sur les boulevards extérieurs, se hâtant