Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/470

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« Qu’ils s’insurgent donc contre la nation, qu’ils s’élancent dans l’abîme vengeur. Mais que leur forfaiture ne retombe que sur eux. Car nous aimons la Suisse, nous vous aimons ; et sur quelque terre que nous soyions conduits, les brises du matin et du soir vous apporteront nos bénédictions.

« Ils seraient pardonnables s’ils ne savaient pas ce qu’ils font ; s’ils n’avaient pas respiré l’haleine de cette Allemagne, dont le génie tend à réunir les peuples, et de cette France agitée qui bat en brèche l’édifice de la civilisation ; s’il n’étaient pas les descendants intellectuels de Luther, de Fichte, de Schelling et d’Anacharsis Clootz ; s’ils n’étaient pas les disciples de Fourier et de Proudhon ; s’ils ne s’avouaient pas socialistes ; s’ils étaient pauvres d’esprit.

« Tenez, dans ce moment M. Thiers et la famille d’Orléans se dirigent sur Lausanne. Ils s’y installeront, ils y vivront tranquilles tout le temps qu’ils voudront ; ils seront respectés par vos gouvernants. Ne sont-ils pas riches ou nobles ? N’ont-ils pas été rois ? N’ont-ils pas été ministres ? Ah ! prenez garde que la Suisse ne devienne une hôtellerie, une immense toile d’araignée destinée à recueillir des écus ! Quant à nous, écume de la révolution, maladroits qui n’avons su ni l’exploiter ni la trahir, nous ne reverrons pas fleurir les arbres de ce pays au soleil du printemps. Le pauvre est partout pauvre ; l’exilé partout est seul.