Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/490

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comte Hugo (Victor). Mais alors j’étais un enfant et, comme sur les fonts baptismaux, je pensais par la bouche de ceux qui se croyaient sages.

Aujourd’hui, je suis citoyen du monde, et je pense que ce titre est plus grand que celui que peut conférer la plus orgueilleuse des nations ; d’ailleurs je l’ai choisi, il ne m’a pas été donné par le hasard de la naissance. Je suis exilé, c’est-à-dire libre ; on ne peut l’être aujourd’hui qu’en dehors de la société, de la nation et de la famille courbées sous de honteuses servitudes. Que m’importent les armées, les étendards, les gouvernements et la police ! Je saute les frontières comme le contrebandier. Je n’ai pas de maison, pas de terres pour lesquelles il me faille payer l’impôt. Loin de moi les rois montent gravement sur les trônes et en descendent comme des filous honteux ; et je me ris de cette fantasmagorie. Je fuis les églises comme les portes de l’enfer. Les codes ne sont pas faits pour moi ; je suis hors la loi, j’aime mieux cela que d’être protégé par elle. Je suis vagabond ; et le premier, je m’en fais gloire. Ni roi ni sujet : le fort est plus fort seul.


Il y a, par tous pays, des gens qu’on repousse du pied, qu’on chasse, qu’on tue et qu’on grille sans que la voix de la pitié s’élève en leur faveur : Ce sont les Juifs. — Je suis Juif.

Il court, par les campagnes d’Andalousie, des hommes plus agiles que des chevaux, bronzés comme des bâtards de Cham ; maigres, sauvages,