Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/77

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tend monter la tempête, et que chaque bourgeois se hâte de s’assurer contre la mort prochaine, dût-il, pour cela, faire périr tous ceux qui lui sont chers. À quoi bon des discours de maître d’école à des gens aux trois quarts noyés ? Le parlementarisme de Ménénius n’eût pas eu de succès sur le radeau de la Méduse. Et la société actuelle, c’est cela.

— Je n’ignore rien de ces choses, j’en sais même bien d’autres, — ce livre le prouvera, — sur le caractère des hommes de mon temps. 20 Je les méprise autant qu’ils le méritent. Ce n’est pas pour eux que j’écris.

Alors donc, encore une fois, pour qui ? et pour quoi ?

Mon Dieu ! j’écris parce que je suis homme ; je n’ai pas d’autre réponse à faire au public malveillant et sceptique qui me lira.

L’homme est, de sa nature, inquisiteur et cancanier ; il a besoin de connaître le pourquoi et le comment de toutes choses ; c’est par là qu’il se distingue du ruminant qui broute, ou du poisson qui suit le cours de l’eau. De plus il est sociable ; et quand il s’est rendu compte de sa propre pensée, il aime à la communiquer à ses semblables ; il raconte, il publie ce qu’il a rêvé, parce qu’il a découvert le langage et l’imprimerie, parce qu’il cherche et trouve toujours des moyens de plus en plus rapides pour se multiplier dans les autres.

Tant qu’il y aura du cerveau sous les os du crâne, et du minerai dans les entrailles de la