Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/121

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pers, d’émaux et de camées, d’antiquailleries, de rocailles qui produit un intarissable bavardage, une phraséologie délirante, un argot sans antécédents en aucune littérature. J’ai constaté l’affreux désespoir des abonnés antiques du Constitutionnel ; ils s’interrogent anxieusement pour savoir où va le monde à ce train-là. J’ai vu des organisations à l’épreuve du vaudeville et de la poésie lamartinienne, ne pouvoir assimiler les premiers-Paris des princes de la presse ; je les ai vus y perdant la bravoure et l’intrépidité qu’ils avaient acquises en un demi-siècle de lectures très morales. Et je me suis demandé souvent, bien souvent, moi qui m’étonne avec peine, où s’arrêterait cette longue torture du sens commun. Mode ! vieille coquette, bigotte, hypocrite, ridée, tannée, surannée, passée, fardée, teinte, 61 déteinte et reteinte, je me suis demandé bien souvent quand cesserait la déplorable tutelle que tu t’arroges sur la jeune Pensée ?

On ne peut nier l’influence que costume et coutume exercent l’un sur l’autre. L’homme prend l’aspect extérieur de sa profession, le moine s’identifie complètement avec son habit. Le médecin est comme infusé dans son paletot aux larges manches ; le curé ne fait qu’un avec sa soutane crasseuse ; le propriétaire s’épanouit au coin de son feu en son ample robe de chambre ; l’ouvrier se balance gaîment dans sa blouse de travail ; le soldat reste droit comme un i dans l’uniforme qu’il tient de la munificence de son empereur ; la religieuse ne peut vivre que sous le voile qui ca-