Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/155

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ses oppresseurs ? Pourquoi fait-il fumer l’encens devant eux ? Pourquoi méprise-t-il, ignore-t-il au contraire et couvre-t-il d’opprobre ceux qui sont meurtris, persécutés en défendant ses droits. L’indifférence du peuple, c’est le pire des dégoûts, l’irréparable mal !

Désespoir des désespoirs : tout n’est que désespoir !

« Ta dignité t’appelle : suis-la ! — Le peuple est ignorant, le peuple est décimé. Le peuple a faim, le peuple a froid. Le peuple n’entend rien, ne voit rien, ne sait rien, sinon qu’il lui faut la vie de sa journée. Le peuple élève au trône l’homme qui lui tend du pain au bout des baïonnettes, il court au pilori voir exposer ses frères, les gueux d’émeute et de potence. Hélas ! ventre affamé n’a pas d’oreille ; le peuple est réduit à mendier sa peine, à mendier son travail et son salaire. »

— Donc j’ai suivi les conseils de ma dignité. Et je n’ai fait aucune avance, aucune concession pour obtenir les éloges du peuple, et j’ai témoigné de mon amour pour sa juste cause en ne le flattant pas. Et je publie ce livre pour donner une leçon de savoir-vivre aux courtisans des chiffonniers !

Et je sème, et je chante, et je crie : liberté !


J’ai dit en ma désolation :

Le travail est maudit ; l’ivraie court par les blés. L’usure est souveraine et la pensée captive. L’enfance est un martyre, la vieillesse une agonie, le