Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/229

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rale, avilie, flétrie pour que je n’en sois pas exilé. Jamais je ne regretterai les égoûts et les sentines du beau Paris ; jamais je ne me prendrai de soudaine passion pour sa bourgeoisie : je rends grâces au ciel qui ne m’a pas titré en habileté politique. Cette réflexion sur la patrie, je l’applique d’ailleurs à toutes les patries civilisées ; je ne voudrais être citoyen d’aucune. Je préfère rester vagabond, déclassé, gitano, et contradictoirement citoyen du monde[1]. »

La patrie actuelle ! Je ne me laisse pas prendre à toutes ces balançoires : le sol de France, les aigles françaises, le drapeau tricolore ! Les paroles sont légères comme l’air qui passe, et les choses lourdes comme des barres de fer. Qu’on me prouve que le sol de 135 France nous appartient à tous, qu’il y a place pour chacun sous les ailes rapaces des aigles de l’empire, dans les plis souillés de son drapeau. Alors je reconnaîtrai les avantages que nous assure la Patrie française. Et courant à la frontière, de grand matin, je supplierai les douaniers de me laisser rentrer sous le toit paternel ! — Sinon, non !

La Patrie actuelle ! Une circonscription fausse qui ne tient compte ni de la liberté de l’individu, ni de la solidarité des intérêts, ni du travail, ni des aptitudes, ni du vieillard, ni du malade, ni du pauvre, ni de la femme, ni de l’enfant ! — Un bagne !

  1. Ernest Cœurderoy. — Trois lettres au journal l’Homme.