Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/230

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La Patrie actuelle ! Un mot, un dépôt de marchandises, un glorieux bazar d’esclaves, un chenil de mâtins inassouvis, une étable où l’on est tassé comme des bêtes de somme, où l’on vit de privations, où l’on vieillit à force de révérences, où l’on meurt de faim, où l’on n’est pas même enterré décemment ! — Ingrat pays, tu n’auras pas mes os !

La Patrie actuelle ! Bien qu’on m’ait souvent attaqué sur le médiocre amour que je professe pour elle, je déclare de nouveau que je ne puis considérer comme mien un pays dont on a divisé les habitants en deux parts : ceux qui courbent la tête, ceux qui la font courber. — Je n’aime pas les uns, je déteste les autres !

La Patrie actuelle ! Je préfère bien certainement celle des loups. Avec ceux-là du moins on sait à quoi s’en tenir ; on n’est dévoré ni par derrière, ni en détail. — C’est plus tôt fait !


Ce n’est pas le parti démocratique, ce n’est pas ma famille que je pleure. Tous les partis, toutes les familles d’aujourd’hui sont des rapprochements forcés d’intérêts qui se déchirent. L’hypocrite Haine a revêtu le masque de l’Affection candide ; dans la poignée de main s’est caché le poignard ! En toute société les hommes sont solidaires. Hélas ! quand ce n’est pas l’Attraction qui fixe leurs rapports, c’est la Force ; quand ce n’est pas la Justice, c’est le Vol. Je pleure sur la Civilisation, je pleure sur moi qui suis contraint d’y vivre. Où