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Haletant, épuisé, râlant de douleur, hérissé de flèches et tout couvert de sang, le taureau fait le tour de la barrière, tantôt l’ébranlant de sa tête, tantôt cherchant à la franchir d’un bond.

Oh les hommes ! les lâches, ils disent que les animaux n’ont pas d’âme ! Et les voilà qui répondent aux derniers mugissements de la bête par de longs éclats de rire ! Les voilà, plus barbares que des fauves, qui la repoussent à coups de bâton de l’enceinte où elle s’était réfugiée pour mourir !

De muerte ! De muerte ! — Jamais taureau ne sortit vivant des arènes d’Espagne. Ici l’on croit que la pitié déshonore.


VIII


Le tambour gronde comme pour un convoi funèbre. Un homme s’avance devant les magistrats. Dans sa main gauche il tient une pièce de drap d’écarlate tendue sur une épée longue. Il lève sa main droite pour prêter cet affreux serment : « Je tuerai cette bête féroce pour la reine Ysabel II, ou cette bête féroce me tuera : je le jure devant Dieu ! »

170 Ah ! si le Dieu que tu prends à témoin était juste, matador imbécile, tu mourrais !

Assez d’hommes vanteront l’intrépidité et le sang-froid de ce boucher renommé ; assez de femmes sa pendront à son cou de taureau ; assez de peuple célébrera son facile triomphe. Je dis, moi, que ses allures et sa face sont ignobles ; je dis