Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

couperont le poignet droit, ils déchireront ma langue en morceaux, ils se vanteront de m’avoir épuisé. Et cependant, je le jure, ils ne provoquèrent jamais que mes dédains. Le coup vient de moins bas :

Hæret lateri lethalis arundo !


Rêve, sois heureux, lecteur, si tu le peux encore. Moi, j’abaisse 22 les yeux de mon esprit sur les plaies de mon âme, puis je les relève vers la poussière d’argent qui brille au haut des monts. Et je me demande :

La neige, la blanche neige n’est-elle pas plus près des abîmes que des cieux ? N’est-elle pas plus froide qu’éclatante ? Oh ! qu’en restera-t-il quand passeront sur elle les premières ardeurs du soleil ?

Hæret lateri lethalis arundo !


IV

Je suis pareil à la neige blanche qui, tressaillante, parcourt l’atmosphère et ne fond qu’en touchant le sol.

Où donc es-tu, fièvre féconde, qui me faisais boire tout le travail que la Solitude verse à l’homme dans sa coupe brunie ? D’où viennent la sécheresse de mes lèvres, l’incendie de mon front ? Quelles épaisses ténèbres couvrent mes yeux ? Pourquoi suis-je entouré par le Vide, l’horrible Vide qui n’a point de limites ? Quel implacable