Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/74

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Et cet accord fait entre mes aspirations anarchiques et les obstacles qui les compriment, et ma détermination d’Espérance prise, je vivrai, je travaillerai dans la mesure de mes forces, en me rendant compte de mes aptitudes dominantes.

J’observerai les mondes dispersés dans l’espace, les siècles balancés sur les ailes du Temps, les empires hérissés de baïonnettes, les rois, les banquiers, les propriétaires couverts d’or. Et je me dirai : le bras de l’individu ne peut rien contre l’état des monarchies, des sociétés et des univers. Ton corps est prisonnier jusqu’à ce qu’une force supérieure vienne tirer parti de sa faiblesse.

Mais si j’approche mon doigt de la fourmi qui rampe, je la verrai se dérober parmi les herbes et les pierres sans abandonner son précieux fardeau ; je me lasserai de son obstination, de sa ruse et la laisserai ramasser ses provisions d’hiver. Et je me dirai : chaque être tient sa place dans la nature, l’homme comme la fourmi. Notre persévérance, notre génie peuvent tirer bon parti de l’ordre social et universel. Donc, je me raidirai par la pensée contre toute injustice ; donc je persisterai dans ma révolte tant qu’il restera de l’air en mes poumons ; donc je fraierai par mon idée le chemin de puissances physiques supérieures à la mienne. Ainsi je provoquerai leur action toujours lente ; et quand elles frapperont, je frapperai comme elles. Mais jusque là je méditerai, je travaillerai. Que ferais-je avec ma main ?