Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/213

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fois dans un mois, j’ai vu passer les huit chevaux attelés au char funèbre, la tête couverte de hauts panaches, l’écharpe de deuil aux flancs :

Dies iræ ! Dies illa ! !

Ils écumaient ; ils traînaient après eux un long cortège : valets, généraux, académiciens, ministres, mendiants, moines, évêques et pleureurs. Je n’ai pas va couler une seule larme de tous ces yeux arides. La dernière, la plus longue de nos routes mortelles, les rois veulent la faire autrement que les pauvres. Et tant pis pour les rois ! Car les pauvres sortent de ce monde sans bruit et sans escorte, mais du moins quelqu’un leur reste pour les regretter et les bénir, pour laisser à leurs ombres une parole d’amour. Les rois partent pour d’autres terres comme les condamnés pour l’échafaud ; les plus brillants dans leur escorte, ce sont leurs gens d’armes :

Dies iræ ! Dies illa ! !


De tous ces êtres qui portaient un cœur et suivaient les chars funèbres, je n’en ai vu qu’un seul. Je l’avais remarqué déjà dans le convoi de Napoléon Ier et dans celui de Wellington. C’est le cheval du guerrier mort qui porte son grand sabre et ses éperons ; c’est le coursier qui conduit le maître à sa dernière étape :

Dies iræ ! Dies illa ! !

… Le jour où l’on remit à sa demeure dernière la mortelle dépouille de Ferdinando-Maria, duc de Gênes, je tenais à mon bras l’artiste qui avait