Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grandes âmes pleurent. Les cieux pleurent la rosée ; la terre, les sources ; les fleurs, la sève ; la gazelle blessée, du sang. Et l’Ange d’infinie tendresse recueille les larmes des êtres pour former l’arc-en-ciel aux couleurs d’espérance !

Laissez-la pleurer, la noble femme, sur la terre frappée par le noir fossoyeur. Des blessures de notre mère commune s’échappe un parfum de fraîcheur, comme une âme vierge que nous aimons. La terre aussi connaît les douleurs de l’enfantement et celles des séparations. Et les mères se comprennent !

Laissez-la pleurer, la mère trop malheureuse, sur le sol qui 406 couvre son bien-aimé. Les larmes de ses grands yeux attendriraient les pierres ; elles feront fleurir au printemps les roses et les primevères, manteau soyeux des trépassés.

Ah ! laissez-la pleurer.


Quand les grands cœurs sont affligés sur la terre, les anges, dans les cieux, attachent un crêpe à leurs ailes d’or. Mais les hommes de mon temps mangent, boivent et crient toute la nuit :

« Nous voulons de la joie, du bruit, des concerts et des bals ! Il nous faut des amours, de la viande et des spectacles à bon marché. Buvons, faisons ripaille ! Allons voir comment une mère désolée remplit le rôle de courtisane deux jours après la mort de son enfant ! Cela ne coûte que huit sous ! ! »

Misérables !… J’ai vu la langue du chien d’arrêt teinte du sang de la perdrix couveuse ; j’ai vu le