Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

riches d’imagination. Lui n’est pas de ce temps, lui n’est pas de ce monde ; il vit dans les nuages, il vit dans les étoiles, dans l’ivresse des harmonies, dans le sommeil des songes ; il vit dans l’avenir ! Il a brisé les liens qui le rattachent à votre petit monde ; il ne veut rien savoir ni de vos personnes, ni de vos conventions, ni de vos insupportables bavardages. Il ignore s’il est jeune ou vieux, riche ou pauvre, heureux ou malheureux, estimé, méprisé, inconnu, connu, vivant ou mort. Sifflez, calomniez, hurlez, applaudissez, pleurez, dansez, faites rage autour de lui ; vous ne l’arracherez pas à ses contemplations d’outre-terre. Autant vaudrait rappeler les anges à l’exil d’ici-bas !




VI. — Dans une de ces heures d’extase où nous autres, les fous, nous abandonnons à la douleur comme à une volupté suprême, où nous nous laisserions mourir pour goûter l’infini bonheur ; — dans une de ces heures d’irrésistibles émotions où nous nous sentons embrasés par le feu d’amour ; — dans une de ces heures trop rares, hélas ! j’ai vu Hennequin et je lui ai parlé.

Il était debout sur les nuages ; sa face était magnifiquement belle ; de sa chevelure noire s’échappaient de longs jets d’étincelles ; il tenait l’une de ses mains sur la tête de la femme, et l’autre sur le cœur de l’enfant qu’il avait tant aimés ; de ses yeux sortaient des rayons de lumière ; l’horizon vers lequel il se tournait resplendissait de feux !