Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/257

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à des combats sans trêve ; il écumerait, maudirait !

« Il aurait ensuite de longs mois de prostration pendant lesquels les exigences de la vie matérielle pèseraient sur lui comme des montagnes de plomb. Il s’arrêterait, hésitant, devant la triviale nécessité de manger, de boire et de faire l’amour. Il prendrait en pitié les autres et lui-même, toute conversation, toute société. Sa parole lui semblerait un fatigant murmure. Il serait effrayé du bruit de la porte qui se ferme, d’un cri, d’un rire, du vol d’une mouche ou d’un oiseau.

« Au moindre souffle de sa pensée, son âme saignerait comme un ulcère chancreux sous le doigt qui le panse. Sa vie serait aride comme l’univers des sables. Inhabile à toute fonction sociale, à tout mouvement du corps, à tout effort d’attention, il envierait le sort du prolétaire et de l’infirme qui fournissent, résignés, leur carrière de souffrances. Il supporterait, fiévreux, ces douleurs déchirantes, plus infortuné, certes, que l’antique Tantale qui ne souffrait, lui, que dans son corps. Il méditerait mille suicides par jour et n’aurait pas la force d’en commettre un.

« Les enfants cruels le poursuivraient par les rues, lui jetant des pierres, et criant : le Fou ! Vive le Fou ! ! Et ces cris d’êtres jeunes, lui rappelant la vie, ne feraient qu’augmenter son éternelle angoisse.


« Hélas ! Hélas ! trop d’espérance mène au déses-