Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/306

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dre heureux est-il frappé de stérilité, de tristesse, de réprobation ? Pourquoi l’Amour si fort pour produire le bien, pourquoi la Mort si forte pour détruire le mal ajoutent-ils encore aux infortunes du pauvre ? Pourquoi la femme, les enfants et les baisers de son cœur sont-ils maudits, sont-ils perdus ?

Société, société, c’est toi l’honnête, la considérée, la puissante Babel, l’infâme, la receleuse, l’empoisonneuse, la concubine des voleurs qui repasses en silence le couteau des homicides. Tu forces l’homme robuste à maudire la virilité de ses reins, et la mère de famille à déplorer la fécondité de ses entrailles ! Tu rends la volupté détestable au pauvre, tu sèmes sa couche d’épouvantements ! Tu lui fais désirer d’être pris d’une invincible répulsion d’amour ! Et quand ses pauvres enfants lui tendent leurs petits bras roses, c’est encore toi, mégère, qui couvres la franchise de ses traits d’un masque de férocité terrible, et fais germer dans son cœur, vingt fois l’an, l’abominable, l’irrésistible, pensée de broyer la tête de ses enfants entre les mors de son étau !

Pleurez, femmes de Piémont ! Que vos beaux yeux fondent en larmes sanglantes ! Pleurez de désespoir, de rage et d’orgueil offensé ! Relevez-vous les premières : en Occident les hommes sont morts !


Le patron pénètre dans le cœur de l’ouvrier ; il en extrait tous les sucs de la vie, puis, impuni,