Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/335

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Quatre heures sonnent. Voici leur avant-garde : charpentiers, 480 zingueurs, couvreurs, aéronautes, matelots, sapeurs-pompiers, chauffeurs de machines, mineurs ; tous ceux qui risquent leurs jours au milieu d’éléments plus trompeurs que la terre, et ne tiennent plus sous leurs pieds que quelques lignes du sol que nous aimons.

Les voyez-vous voguant par les airs, dans une enveloppe fragile ? Les apercevez-vous sur les croix des clochers, au haut des toitures, à cheval sur des poutres ardentes ? Les voyez-vous emportés par de rapides machines qui vomissent la flamme ? Les suivez-vous suspendus aux vergues des navires, ou pénétrant, à travers le feu, dans les maisons qui brûlent ? Les découvrez-vous travaillant sous terre, à d’immenses profondeurs, nus, frissonnants ou ruisselants de sueurs, dans des souterrains où ils manquent d’air et de lumière, collés contre le roc ainsi que des cariatides vivantes, frappant, à tour de bras et de leviers, les assises des monts dont ils écorchent à peine le visage de pierre et qui leur renvoient coups pour coups ? Les voyez-vous exposés tout le jour aux éboulements de la terre qu’ils ébranlent ?

Ce sont ceux qui portent la hache au flanc et l’échelle de corde autour de la poitrine, ceux qui fraient la route de l’humanité vers les découvertes lointaines. Et que leur revient-il en échange de si périlleux labeurs ? À peine le pain de chaque jour, une tombe ignorée sous la vague errante, aux entrailles de la terre, dans un bûcher fumeux, sur