Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/349

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Les désolées ! — Leurs joies éphémères leur causent des tristesses mortelles. Elles peuvent s’oublier, s’étourdir un instant dans les vapeurs du vin ou la folle joie des sens. Mais bientôt elles s’éveillent, entendent d’étranges rumeurs dans leurs cerveaux qui tremblent, se coupent les pieds et les mains à des débris de verres. Et alors elles pensent à la mère, à la sœur qu’elles ne reverront plus, au père qui les a maudites, à l’épouvantable réalisme de leur sort ! Alors elles sont prises de convulsions et de vertiges à tout briser, elles pleurent amèrement, blasphèment, grincent des dents, arrachent leurs cheveux par poignées, et se débattent en vain contre la société de l’injustice, contre le Dieu du mal qui leur ont fait cette destinée lamentable !


Les inconsolables ! — La lassitude et la surexcitation des sens leur interdisent les joies de la maternité. Ou quand elles deviennent mères, elles rougissent de l’avouer devant le monde, et surtout, oh douleur ! devant l’enfant auquel elles ne peuvent donner 489 le nom d’un père, et qu’elles aiment cependant du plus ardent amour, de l’amour réprouvé !


Les pauvres, les plus pauvres de toutes ! — Elles sont retranchées de la société. Et cependant elles en sentent le contact à chaque heure, quand les hommes affamés, ivres de vin et de concupis-