Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/379

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chapper, elles se sont refermées sur moi ! — Où suis-je, grand Dieu ? Je ne vois plus ni le ciel bleu, ni l’air transparent ; je ne puis remuer le petit doigt de ma main ! — Quel réveil ! — J’étouffe ! — J’avale du sable et de la chair meurtrie ! — Sainte Vierge, délivrez-moi ! — Taisez-vous, malheureux ! On dirait que nous sommes déjà dans l’Enfer ; je veux dormir. — J’ai trahi mes amis, j’ai tué mon père ; les supplices de l’Éternité commencent pour moi ! — Je suis le damné dont les peuples ne prononcent le nom qu’avec effroi ! Je suis celui qui devint empereur en égorgeant, celui qu’ensevelirent ici les barbares vengeurs. Je suis le plus gangrené, le plus pestiféré de tous ces cadavres : les chiens ont renoncé sur moi ! Je suis Napoléon le maudit ! ! »

Horrible assemblée ! Dans cette fosse viennent se confondre toutes les hallucinations ambitieuses, toutes les folies, toutes les furies d’orgueil, toutes les trahisons, ignorances, superstitions, cupidités, rapines, violences, concupiscences, barbaries criminelles, peines, douleurs, misères et maladies enfantées par la Civilisation !

Là sont rapprochées la tête qui médita le meurtre et la poitrine qu’il perça, les jambes qui marchaient pour les rois et les dents qui déchiraient la cartouche des émeutes, les épaules qui portaient des fardeaux et la main qui leur traçait la tâche. — Là, contre le noir charbonnier, gît la blanche fille au sein virginal ! Le vieillard est couché par dessus tous ceux qui vinrent au monde