Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/389

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bien, on les recouvre de terre lourde afin de n’entendre jamais plus la prière de leurs voix ! —

L’Enfer est sur la Terre !


Station de la Morgue ! — Au centre de Paris, sur la rive droite de la Seine, fangeuse comme il convient à une alliée de la Tamise, sur un quai désolé, s’élève la Morgue !

Vilaine petite maison, carrée, basse, humide, moitié chaumière, moitié monument, verte à la base, grise sur la façade, couverte en noir !

Tirez le cordon ! À la porte vous trouverez un vivant, et dedans cinq ou six morts étendus sur la pierre afin que les passants puissent les réclamer. — Quand ils l’osent !

Si l’homme vivant ne marchait pas, on le prendrait facilement pour un des cadavres qu’il garde. — Cadavres infiltrés, verdis, promenés par le fleuve ou l’égoût pendant des semaines entières, tellement macérés, défigurés, hideux, épouvantables, que leurs parents eux-mêmes n’y voient plus que du bleu. — Le bleu de la Mort !

C’est la froide et redoutable Morgue ! Elle recueille les plongeurs que le Désespoir attire au fond des eaux, au cœur des flammes ! — Les tristes plongeurs qui jamais ne reparaissent !

Passe le seuil, jeune philosophe, si tu veux connaître les hommes de ton temps. Commande à ton dégoût, approche de ces 514 morts, demande la cause de leur fin si dramatique, si solitaire. Et tu reconnaîtras que cette même société, qui les ex-