Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/427

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C’était la bergère des Alpes, la fille brune de Menthon, la fiancée du beau pêcheur de Talloires.

Pourquoi la Mort cruelle n’enlève-t-elle jamais les hommes qui goûteraient le mieux ses consolations amères ? Dieu d’amour et de grâce, toi seul peux savoir ce qu’aurait donné le jeune pêcheur pour suivre son amante dans les grottes de cristal qui scintillent sous les eaux !

Il prend sa tête dans ses deux mains et se donne à pleurer. Oh que l’homme souffre quand les sanglots parviennent à forcer le passage de sa gorge !


Cependant la frêle barque est trop chargée. Pour la première 539 fois elle s’enfonce au-dessous du miroir d’azur et le flot, son ennemi, la déborde en grondant. Puis il vient mouiller les jambes nues du pêcheur et le ravit un instant à sa douleur profonde.

Le danger est pressant, mortel. Le robuste batelier veut séparer le cadavre de sa fiancée du guerrier bardé de fer qui la tient dans ses bras. Mais il ne peut les désunir. Tant sont tenaces les liens que tu tresses, ô Crime !

Une natte des cheveux de la pauvre enfant se voit sur le cou du Chevalier du Lac ; aucune force humaine ne saurait détacher ces cheveux des chairs meurtries. Dans l’agonie de son honneur, sans doute la vierge a si fort serré la gorge du bourreau qu’elle a coupé de sa chevelure noire le collet de son haubert, et qu’il est mort étranglé.