Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/73

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me résignerai-je à ne jamais les découvrir d’un autre point de vue ?

Non. Car si je reste ainsi, j’ai la certitude d’être malheureux, inutile, à charge à moi-même et aux autres. Car le mal détruira mes facultés. Je languirai, je mourrai tous les jours sans jamais être mort.

Et mes ennemis se réjouiront de ma décadence ; et je lasserai la bienveillance de mes amis, la patience de mes héritiers. Et quand on m’aura plaint deux jours entiers, le troisième on ne me trouvera plus supportable. Et derrière mes épaules, mes parents chuchotteront des mots sinistres. Et ma mère, oh ! ma mère me précèdera dans la tombe, maudissant le malheureux jour qui me vit naître ! — Ah ! mille fois plutôt le suicide.


XXIII


Je me réjouis fort, dans mon âme ironique, du sens conventionnel que les civilisés attachent aux mots.

D’un coup de pistolet un homme en finit avec la vie qui lui pèse : cet acte s’appelle suicide, et cet homme laisse la mémoire 313 d’un lâche criminel, mille fois plus condamnable et damnable qu’un assassin. Et voyez un peu l’excellence de votre logique ! Celui qui se fait arracher un chicot est réputé brave ; les phtisiques et les cancéreux, qui traînent pendant de longs mois l’agonie d’une