Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/194

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possédé[1] », il importe de rappeler certaines phases de cette existence tourmentée qui rapidement se consuma dans une fièvre presque continuelle.

Ainsi que nous l’écrivait un admirateur de l’incomparable artiste, « tout est dit sur Chopin… il y a cependant une lacune… », l’indéfinissable tristesse dont est imprégnée son œuvre et que, jusqu’ici, chacun essaie d’expliquer à sa manière, conserve encore tout son mystère.

La nature essentiellement polonaise de Chopin, pleine de réticences, « qui se prête toujours et ne se livre jamais », observait George Sand, n’a pas laissé percer la cause de cette douleur qui est exprimée à chaque page. « Il cachait pudiquement cette source d’inspiration et, en algophile qu’il devait être, il n’a laissé à ses exégètes quoi que ce soit qui puisse en déceler le fond ; ses élèves même n’ont pu dévoiler, au cours de son enseignement, l’indice, la cause révélatrice de cette profonde désespérance. Toutes les interprétations faites jusqu’ici peuvent s’adapter à l’explication de cette mystérieuse cause, et elles y concourent certainement toutes. Les compatriotes de Chopin invoquent la nostalgie, la rancœur du patriote qui voit sa patrie opprimée ; leurs intraduisibles « zal » et « teskuota » seraient,

  1. Cf. L’Athenæum français, 22 mars 1856.