Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/342

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Dostoïevsky proviendrait, suivant une version qui, à vrai dire, n’a pas de base solide, d’une scène tragique qui se serait passée dans sa famille. Sur les détails de cette scène on n’est pas très fixé ; on conte que l’enfant, impressionnable de nature, en fut profondément secoué et que la première crise aurait alors apparu. Lui-même, dans ses souvenirs d’enfance, épars çà et là dans ses œuvres, rapporte que tout petit il eut des hallucinations ; il relate, notamment, la fantastique clameur qui, un jour, en rase campagne, lui parut éclater : « Au loup ! au loup ! » Il se prit à courir, croyant entendre toute proche la galopade de la bête farouche, jusqu’à ce qu’il tombât dans les bras d’un bon moujik qui lui montrant la paix des plaines, la sérénité silencieuse des champs, finit par calmer son effroi[1].

Dans une de ses rares échappées de confidences, Dostoïevsky a rapporté tout autrement les débuts de sa maladie ; celle-ci aurait commencé en exil.

« Il souffrait extrêmement de la solitude et passait des mois entiers sans voir âme qui vive, sans échanger une parole intelligente avec qui que ce soit. Tout à coup il vit très inopinément arriver un ancien camarade… c’était la veille du jour de Pâques, dans la soirée ; mais la joie de se revoir

  1. Récit de M. Halpérine-Kaminsky, à un rédacteur du Gil Blas.