Page:Cabanis - Rapports du physique et du moral de l’homme, 1805, tome 1.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui caractérise la jeunesse, ne disparoît pas tout-à-coup ; mais il diminue de jour en jour, d’une manière remarquable. L’homme commence à ne plus se croire invincible ; il s’aperçoit que ses moyens sont bornés. Ses idées et ses affections ne s’élancent plus au loin avec la même hardiesse : il n’a plus cette confiance sans bornes dans lui-même ; et, par une conséquence nécessaire, bientôt il perd une grande partie de celle qu’il avoit dans les autres.

La sagesse et la circonspection tiennent, en effet, à l’insuffisance présumée des moyens dont on dispose. Tant qu’on ne suppose même pas la possibilité de cette insuffisance, on marche directement et sans hésiter, vers chaque but que le désir indique. Mais si-tôt qu’on se défie de ses moyens, on sent la nécessité de n’en négliger aucun, d’augmenter leur

    paroît que dans les temps de foiblesse. Cardan raconte que lorsqu’il se portoit bien, non-seulement il étoit tourmenté de l’activité la plus malheureuse, mais qu’il se trouvoit alors presque incapable de l’attention qu’exigent les travaux de l’esprit. Pour jouir de toutes ses facultés morales, il avoit besoin d’être malade ; ou de fixer cette inquiétude dévorante, par des douleurs artificielles.