Page:Cahiers de la Quinzaine, 14e série, n°5-8, 1913.djvu/176

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l’argent

C’était en 1880. C’était donc dans toute la fureur et la gloire de l’invention de la laïcisation. Nous ne nous en apercevions pas. Nous étions pourtant bien placés pour nous en apercevoir. Non seulement les écoles normales, nouvellement créées, je pense, non seulement les jeunes écoles normales étaient le cœur et le foyer de la jeune laïcisation, mais notre École Normale d’Orléans était une pure entre les pures. Elle était une des têtes et un des cœurs de la laïcisation. M. Naudy personnellement était un grand laïcisateur. Heureuse enfance. Heureuse innocence. Bénédiction sur une bonne race. Tout nous était bon. Tout nous réussissait. Nous prenions de toutes mains et c’étaient toujours de saines nourritures. Nous allions au catéchisme, le jeudi je pense, pour ne pas déranger les heures de classe. Le catéchisme était fort loin de là, en ville, dans notre antique paroisse de Saint-Aignan. Tout le monde n’a pas une paroisse comme ça. Il fallait remonter la moitié du faubourg jusqu’à la porte Bourgogne, descendre la moitié de la rue Bourgogne, tourner cette rue à gauche qui se nommait je crois la rue de l’Oriflamme et traverser le cloître froid comme une cave sous ses marronniers lourds. Nos jeunes vicaires nous disaient exactement le contraire de ce que nous disaient nos jeunes élèves-maîtres, (ou nos jeunes sous-maîtres, comme on les nommait aussi, mais c’était une appellation peut-être un peu moins exacte, et surtout un peu moins élégante). (Un peu moins noble). Nous ne nous en apercevions pas. La

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