Page:Cahiers de la Quinzaine, 14e série, n°5-8, 1913.djvu/185

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chose que les curés. Et les curés nous enseignaient la même chose qu’eux. Toutes leurs contrariétés métaphysiques n’étaient rien en comparaison de cette communauté profonde qu’ils étaient de la même race, du même temps, de la même France, du même régime. De la même discipline. Du même monde. Ce que les curés disaient, au fond les instituteurs le disaient aussi. Ce que les instituteurs disaient, au fond les curés le disaient aussi. Car les uns et les autres ensemble ils disaient.

Les uns et les autres et avec eux nos parents et dès avant eux nos parents ils nous disaient, ils nous enseignaient cette stupide morale, qui a fait la France, qui aujourd’hui encore l’empêche de se défaire. Cette stupide morale à laquelle nous avons tant cru. À laquelle, sots que nous sommes, et peu scientifiques, malgré tous les démentis du fait, à laquelle nous nous raccrochons désespérément dans le secret de nos cœurs. Cette pensée fixe de notre solitude, c’est d’eux tous que nous la tenons. Tous les trois ils nous enseignaient cette morale, ils nous disaient que un homme qui travaille bien et qui a de la conduite est toujours sûr de ne manquer de rien. Ce qu’il y a de plus fort c’est qu’ils le croyaient. Et ce qu’il y a de plus fort, c’est que c’était vrai.

Les uns paternellement, et maternellement ; les autres scolairement, intellectuellement, laïquement ; les autres dévotement, pieusement ; tous doctement, tous paternellement, tous avec beaucoup de cœur ils enseignaient, ils croyaient, ils constataient cette morale stupide : (notre seul recours ; notre secret ressort) : qu’un homme qui travaille tant qu’il peut, et qui n’a aucun grand vice, qui n’est ni joueur, ni ivrogne, est toujours sûr de

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