Page:Cahiers de la Quinzaine, 14e série, n°5-8, 1913.djvu/200

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l’argent

Encore un mot que je n’aime pas, mais enfin la vie même requiert la liberté. Une revue n’est vivante que si elle mécontente chaque fois un bon cinquième de ses abonnés. La justice consiste seulement à ce que ce ne soient pas toujours les mêmes, qui soient dans le cinquième. Autrement, je veux dire quand on s’applique à ne mécontenter personne, on tombe dans le système de ces énormes revues qui perdent des millions, ou qui en gagnent, pour ne rien dire. Ou plutôt à ne rien dire.

Nos abonnés l’ont parfaitement compris, il faut leur faire cet honneur. Autant que nous ils ont le goût, le respect de la liberté. Ils nous l’ont montré par cette belle fidélité de quinze ans. Ils sont, autant que jamais, trop peu nombreux. Mais ceux qui y sont, y restent.

Par cette dure méthode, par cet unique système de recrutement ne se manifeste point un commun abaissement fondé sur un incessant échange de concessions mutuelles, que l’on se passe incessamment des uns aux autres, mais c’est ainsi que nos cahiers se sont peu à peu formés comme un lieu commun de tous ceux qui ne trichent pas. Nous sommes ici des catholiques qui ne trichent pas ; des protestants qui ne trichent pas ; des juifs qui ne trichent pas ; des libres penseurs qui ne trichent pas. C’est pour ça que nous sommes si peu de catholiques ; si peu de protestants ; si peu de juifs ; si peu de libres penseurs. Et en tout si peu de monde. Et nous avons contre nous les catholiques qui trichent ; les protestants qui trichent ; les juifs qui trichent ; les libres penseurs qui trichent ; les Lavisse de tous les partis ; les Laudet de tous les bords. Et ça fait beaucoup de monde. Outre que tous les tricheurs ont une sûreté pour se reconnaître entre eux et pour s’appuyer ;

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