Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/32

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grande folie, de modeler et de façonner, de nos propres mains, une ennemie irréductible, portait à son paroxysme l’indignation proudhonienne. Pour sentir vraiment la honte et l’amertume des insultes de Cagliari, pour discerner les responsabilités de tout un régime et de la troupe d’imbéciles malfaisants ou de traîtres conscients qui dirigent depuis un demi-siècle la politique française, pour exclure de la vie française les préjugés libéraux et les sacrifices révolutionnaires, la mystification dreyfusienne et la légende napoléonienne, il suffit de lire, de méditer, de ruminer cette petite phrase de Proudhon, et d’en exprimer une forte substance française :

« L’Italie, par sa position maritime et continentale, est amie de tous les peuples, hormis un seul, le peuple français »[1].

Concurrente économique, ambitieuse de l’empire méditerranéen livré aux disputes internationales, avant-garde de la belliqueuse Angleterre ou de la cupide Allemagne, la monarchie italienne est l’éternelle adversaire, l’ennemie constante de la puissance française. Les obstacles multiples que le jeune royaume devait faire surgir sous les pas de nos diplomates, Proudhon les prévoyait et les signalait. Il n’est pas un ministre des Affaires étrangères qui n’eût dû s’inspirer de ses démonstrations, et garder, ouvert sur sa table, ce livre magnifique sur le Principe fédératif ; notre chancellerie

  1. Du Principe Fédératif, page 132. — Il est remarquable que l’Italie, création révolutionnaire d’une dynastie de droit révolutionnaire, les Bonaparte, ait bénéficié, profité, vécu de toutes les agitations libérales et de tous les troubles anarchiques qui ont secoué et divisé notre patrie, depuis quarante ans. Fille des Napoléons et de l’idéologie de 1848, elle fut servie par la politique anticléricale de la République, politique conservatrice de l’unité italienne, au premier chef. Enfin, grâce à l’initiative et au génie intrigant de son agent Tornialli, l’Italie aura peut-être tiré de Dreyfus des profits supérieurs à ceux qu’en ont recueilli l’Allemagne et l’Angleterre.