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Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 1, 1912.djvu/14

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çais — voilà donc les deux grandes admirations littéraires de notre soi-disant père de l’anarchie ; deux auteurs dont les qualités dominantes sont le bon sens, la fermeté d’esprit, la droite raison et dont l’œuvre fut une œuvre de discipline, d’ordre, de règle, le contraire de l’anarchie ; une œuvre doublement française, parce que classique et catholique !

Humeur frondeuse et amour inné de l’ordre : des romantiques demanderont comment ces deux choses peuvent se concilier, car la lourdeur germanique ne comprendra jamais le composé rare que constitue l’ordre français, fait de liberté, d’ironie et d’unité profonde, et il me faut citer, à l’adresse de nos romantiques germanisants, ce magnifique éloge de l’ironie, de l’ironie toute classique et française, qu’on peut lire à la fin des Confessions d’un révolutionnaire : « Ce qui manque à notre génération, ce n’est ni un Mirabeau, ni un Robespierre. ni un Bonaparte : c’est un Voltaire. Nous ne savions rien apprécier avec le regard d’une raison indépendante et moqueuse. Esclaves de nos opinions comme de nos intérêts, à force de nous prendre au sérieux, nous devenons stupides. La science, dont le fruit le plus précieux est d’ajouter sans cesse à la liberté de la pensée, tourne chez nous au pédantisme ; au lieu d’émanciper l’intelligence, l’abêtit. Tout entier à nos amours et à nos haines, nous ne rions des autres pas plus que de nous ; en perdant notre esprit, nous avons perdu notre liberté. La liberté produit tout dans le monde, tout, dis-je, même ce qu’elle y vient détruire, religions, gouvernement, noblesses, propriétés. De même que la raison, sa sœur, n’a pas plutôt construit un système, qu’elle travaille à l’étendre et à le refaire ; ainsi la liberté tend continuellement à convertir ses créations antérieures, à s’affranchir des orga-