Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/12

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exposée ou plutôt suggérée dès ses premiers principes.

L’origine en est dans ses travaux d’histoire.

Ce qui retient surtout la méditation de Sorel, c’est qu’on ne peut déduire de la valeur propre d’un fait les conséquences qu’il aura ; car il faut tenir compte de l’interprétation de ce fait par ses témoins ou les auditeurs de ceux-ci. « Autrefois, écrit-il à propos du Procès de Socrate, on tenait surtout à résoudre (devant un événement historique) le problème de sa réalité… il n’a aucune importance. Par exemple, dans l’histoire de l’ordre de Saint-François-d’Assise, que nous importe la nature exacte et scientifique du phénomène des stigmates ? En admettant même que ce fut une fraude complète, il n’en serait pas moins vrai que la croyance aux stigmates a eu une influence considérable dans l’histoire du Moyen Âge. Ce qui intéresse le philosophe, c’est l’idée que se faisaient de la chose les contemporains[1]. » « On a souvent répété, ajoute-t-il, que l’Islam a pour origine l’hystérie de Mahomet. Ce n’est pas exact. Nous admettons volontiers que le prophète arabe était malade, mais bien d’autres ont été atteints de la même affection sans fonder une religion. Le moteur de ce grand mouvement a été la croyance à l’inspiration de Mahomet »[2]. Sorel, très respectueux de la religion catholique, a même essayé de préparer sur des idées du même genre un « concordat entre la théologie et la science ». « Les faits qui ont provoqué d’abondantes disputes, dit-il, n’importent nullement à l’histoire. Les conséquences qu’on leur attribue pourraient tout aussi bien exister sans eux… Les théologiens ne veulent pas se contenter de ce qu’ils nomment les apparences ou le côté extérieur des choses… c’est sur l’aspect divin qu’ils

  1. Georges Sorel. Le procès de Socrate.
  2. Georges Sorel. Essai sur le système historique de Renan.