Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/31

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La constitution de la monarchie italienne, selon Proudhon, n’ajoutait pas seulement à « la coalition contre la France un membre de plus », mais cet adversaire complémentaire était prédestiné à se montrer et plus tenace, et plus acharné, et plus inlassable que tous les autres :

« Les risques de conflagration étant donc toujours les mêmes, je ne dirai pas en dépit des intérêts et de leur solidarité, mais précisément en raison des intérêts, l’Italie, puissance centrale et de premier ordre, l’une des plus intéressées, ne peut manquer d’entrer en ligne : de quel côté se rangera-t-elle ? Du côté de ses intérêts sans doute, lesquels, ainsi que je viens de le démontrer, sont radicalement contraires aux intérêts français. Opposée d’intérêts à la France, l’Italie se trouve fatalement notre rivale politique et notre antagoniste ; l’un est la conséquence de l’autre. Le crétinisme et la trahison peuvent seuls le nier[1]. »

Ce ferme et inéluctable jugement était, par Proudhon, soutenu de fortes preuves ; ses lumières étincelantes nous aident à percer le mystère de l’inimitié permanente de l’Italie à notre égard, qu’elle ait tourné vers Londres un visage riant quand M. Hanotaux se rapprochait de Berlin, ou, par contre, qu’elle se soit montrée alliée fidèle et honnête du Kaiser et de François-Joseph, au moment où M. Delcassé fleuretait avec les Îles Britanniques[2]. L’amitié italienne, désirée si vivement de nos diplomates, est une Toison d’Or que nous pourrions conquérir, s’il était en notre pouvoir de modifier les divisions des hommes et le relief du globe. Une si

  1. Du Principe Fédératif, pages 131-132.
  2. Dans son livre admirable sur la politique extérieure de la troisième Republique, Kiel et Tanger, Charles Maurras a tiré d’étonnantes conclusions des données fournies à l’observateur par l’histoire diplomatique de la Triple Alliance : la reconnaissance de l’Italie pour son bienfaiteur anglais prit fin à l’heure précise où se nouait l’Entente cordiale ; l’intérêt politique de l’Italie ne lui permettait pas de lier plus longtemps sa fortune à celle d’un peuple qui devenait l’allié de la nation française (V. Kiel et Tanger, pages 136-137.)