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doute en rire avec Métivier ; mais les conservateurs avaient-ils tout à fait tort ? Le goût de la lutte, le courage dans la résistance, qui donc l’avait inspiré aux ouvriers révoltés ? leurs guides immédiats, ceux de la Confédération générale du Travail ? sans aucun doute, mais quelle force pour eux et vis-à-vis de l’opinion que de se sentir d’accord avec un savant philosophe !

Qui oserait d’ailleurs sans témérité distinguer avec trop d’assurance le rôle des idées pures dans l’arrivée des actes ?

Convenons que l’œuvre de Sorel fut à sa façon une apologie de la violence et qu’on y peut rapporter plus d’une conséquence apparue d’abord singulière et lointaine. Et en outre, comment s’étonner que de cette œuvre sortit naturellement une excitation à agir, puisque la transformation des idées en acte est la suite nécessaire de toute pensée abstraite qui règle ses déductions ou qui prend ses intuitions selon l’ordre naturel des choses ?

Ce réalisme — au sens propre du mot — de la philosophie et, si l’on veut, de la métaphysique sorélienne, se présente comme son premier caractère. D’avoir été non point agrégé de philosophie, mais ingénieur, Sorel est devenu véritable philosophe. Il n’a point pris son système à l’Université. Peut-être pourrait-on penser que fréquenter une idéale Sorbonne lui eût été profitable. Mais la réelle, celle qu’ont jugée Pierre Lasserre et Agathon, lui fut épargnée et ce grand bienfait du sort le préserva des vanités verbales.

Cependant son réalisme paraît dû plus encore à sa santé morale qu’à la vigueur de sa raison. C’est qu’au fond de Sorel, il ne faut pas chercher le logicien, mais discerner le moraliste. Ses premières révoltes contre le dreyfusisme lui vinrent moins de son esprit que de son