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lettre de rené de marans

et avant on pouvait le désirer, mais on n’en était rien moins que certain. Pour que le syndicalisme pût répondre aux espérances que l’on avait mises en lui, il était à la fois suffisant et nécessaire qu’il fût autonome, c’est-à-dire qu’on fit en sorte qu’on le laissât tranquille et que soi-même on commençât par donner l’exemple à cet égard.

Il y a plus encore. Par cela même que Sorel abordait l’étude du mouvement ouvrier avec des préoccupations purement scientifiques, et qu’il la menait non en sociologue, mais en moraliste, il substituait à cette vue du dehors que nous pouvions avoir une vue intérieure et intime, et derrière les mots, les cadres et les formules, il nous montrait les hommes en chair et en os avec leurs sentiments et leurs passions.

Dire que les institutions font les hommes, cela était bien, mais il fallait ne pas oublier non plus que, d’abord, ce sont des hommes qui font les institutions, qu’ils ont besoin pour cela de passions violentes et que cela entraine bien des conséquences.

Désirer une renaissance des corps, cela était bien, et reconnaître, comme on le faisait, que ces corps, pour être vivants, devaient être spontanés, cela était mieux encore ; mais il fallait aussi se rendre compte de tout ce que cela comportait. Des corps sont une organisation des différences, et ces différences, il faut d’abord qu’elles soient marquées et senties. Comment cela peut-il se faire sans luttes et aussi sans violences ? Les paroles de Jehovah à la femme au début de la Genèse : Tu enfanteras dans la douleur, sont vraies pour toutes choses. Rien ne naît sans douleur et aussi rien ne vit sans douleur. C’est parce qu’il est un grand moraliste que Sorel a tant compris et qu’il a pu tant nous apprendre.

Quant à le suivre, lorsqu’on n’y est pas préparé,