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la famille chez proudhon et dans la démocratie

petits. Au restaurant, en wagon, il faut voir les airs crispés que prennent les voisins d’une famille normale. Les rires de l’enfant, ses cris, ses caprices, ses pleurs, sa turbulence naturelle horripilent nos contemporains en troublant leur repos et leur béate digestion.

Vous le savez tous aussi bien que moi : il n’en était pas ainsi autrefois. On se réjouissait, on se glorifiait d’avoir une famille nombreuse. Grands-parents et parents accueillaient le nouveau-né avec allégresse. Sur ce point encore, Proudhon est un homme de l’ancienne France. Il s’écrie :

« L’enfant est donné, Parvulus natus est nobis, c’est un présent des Dieux, A-deo-datus, une incarnation de la divinité présente, Emmanuel. On le nourrit de lait et de miel, jusqu’à ce qu’il apprenne à discerner le bien du mal : Bulyrum et mel comodet, donec sciat eligere bonum et reprobare malum ; c’est la religion de la Justice qui poursuit son développement. Comment dans l’accomplissement de ce devoir sacré, l’homme ne sentirait-il pas sa noblesse ? Comment la femme ne deviendrait-elle pas splendide ? »

Et la famille fonctionne ainsi :

« Tous, dit Proudhon, sont dans la main du père, nourris de son travail, protégés par son épée, soumis à son gouvernement, ressortissants de son tribunal, héritiers et continuateurs de sa pensée. La Justice est là tout entière organisée et armée : avec le père, la femme et les enfants, elle a trouvé son appareil qui ne fera plus que s’étendre par le croisement des familles et le développement de la cité. »

Proudhon combat le divorce. Bien plus : selon notre auteur, la mort même de ceux qui fondèrent la famille féconde ne peut dissoudre cette institution à la fois spirituelle et charnelle. Elle dure, elle est perpétuelle.