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JOURNÉE II, SCÈNE I.

oiseau timide. On raconte que quand il est poursuivi par les faucons royaux et qu’il fuit devant eux à tire d’aile, un secret instinct lui désigne celui qui parmi eux lui donnera la mort, et qu’alors, en le voyant s’approcher, il frémit, il frissonne et tremble. De même moi, seigneur, en vous voyant, je suis saisie d’effroi et d’épouvante, parce que j’ai un secret pressentiment que c’est vous, vous, seigneur, qui me tuerez !

l’infant.

Ne vous abandonnez pas à ces craintes, madame.

doña mencia.

Au nom du ciel ! laissez-moi.

l’infant.

Je suis venu pour vous parler. Cette occasion, souhaitée si longtemps, elle ne m’échappera pas par ma faute.

doña mencia.

Et le ciel le souffrirait ! — Je vais crier.

l’infant.

Vous vous perdriez vous-même.

doña mencia.

De grâce, éloignez-vous !

l’infant.

Ne me l’ordonnez pas, je vous en conjure, — doña Mencia !

doña mencia.

Par pitié, don Henri !

don gutierre, du dehors.

Tiens l’étrier, Coquin, et frappe à cette porte.

doña mencia.

Ô ciel ! grand Dieu ! — Mes pressentimens ne me trompaient pas ; la fin de mes jours est venue. Voilà don Gutierre !

l’infant.

Malheureux que je suis !

doña mencia.

Hélas ! que deviendrai-je s’il vous trouve avec moi ?

l’infant.

Que faire ?

doña mencia.

Cachez-vous.

l’infant.

Moi, me cacher !

doña mencia.

C’est bien le moins que vous deviez à l’honneur d’une femme. — Vous ne pouvez plus sortir. Mes servantes, sans savoir ce qu’elles faisaient, ont ouvert et refermé la porte. Vous ne pouvez plus sortir maintenant.

l’infant.

Commandez, j’obéis.